Juan Lebrón
« Je veux gagner et devenir meilleur chaque jour »



Comment vous êtes-vous retrouvé un jour avec une pala dans la main ?
Par curiosité, en allant dans un club à côté de chez mes parents. J’avais cinq ou six ans, la pala était toute petite. J’ai commencé à jouer de plus en plus et c’est vite devenu une véritable passion. Comme j’ai toujours été un battant, je me suis donc mis en tête de gagner et de devenir meilleur chaque jour.
Pourquoi vous appelle-t-on « El Lobo » (Le Loup) ?
Ce surnom m'a été donné par Lalo Alzueta (NDLR : ancien commentateur du World padel Tour entre 2017 et 2021). Il disait que j’avais un smash magnifique et que lorsque je réalisais ce coup, je me courbais tellement que mon visage se tournait vers la lune… L’expression est restée et depuis, le public fait le hurlement du loup quand je fais un smash gagnant.
Vous aimez cette interaction avec le public ?
Oui, bien sûr. C'est vraiment quelque chose que j'apprécie ! Je m'identifie totalement à ce surnom (sourire).
On vous voit jouer chaque semaine ou presque, mais on ne sait pas ce qu’est la vie d’un joueur de padel…
C’est tout d’abord énormément de sacrifices. Il faut savoir dire non à ses amis, refuser les invitations à sortir ou les dîners, même lorsque l'on en a vraiment envie. Il faut le faire pour sa santé, son bien-être, mais aussi pour sa carrière, si on veut avoir des résultats lors des tournois. Un joueur doit prendre soin de lui et se reposer. En fait, notre vie, c'est surtout ça : faire des sacrifices pour être performants dans notre travail. Car pour nous, le padel, c’est aussi un travail.
« Tout ce que l'on fait a des répercussions sur son coéquipier »
Vous parlez de travail. On voit le niveau général continuer de monter chaque année sur le circuit mondial, circuit que vous dominez aujourd’hui. Est-ce uniquement dû au travail ou y a-t-il aussi une grande part de talent ?
C’est gentil, merci (rires). Je pense que le talent ne représente qu’1 % et le travail les 99 % qui restent. Mon talent ne s'exprime que grâce à l’entraînement quotidien.
Comment gère-t-on une carrière professionnelle individuelle dans un sport qui se pratique en double ?
En prenant conscience que tout ce que l'on fait a des répercussions sur son coéquipier !
Il faut donc être très discipliné, très méthodique, dans tout ce que l'on entreprend. Si la carrière est individuelle, elle impacte le partenaire. Il faut donc être attentif à tout.
Concrètement, ça se traduit comment ?
Je fais en sorte d’écouter tous les conseils que l’on me donne pour le bien de la paire. Si je ne me sens pas bien physiquement, je ne peux pas aider Ale (Galán) sur la piste. Si je ne m’alimente pas correctement, je ne suis pas efficace lors d’un match et je pénalise les résultats de notre paire. Ce sont les petits détails qui font la différence, mais ce sont justement ces petits détails qu’il faut travailler individuellement au quotidien pour le bien de l’équipe. En ce qui concerne le jeu, je fais en sorte que mon partenaire puisse s’adapter au mien, sachant que lui va en faire autant. Ça rend tout de suite les choses plus faciles sur la piste.
Avec Ale, vous avez des sponsors différents (NDLR : Babolat pour Lebrón, Adidas pour Galán), bien que vous puissiez en partager certains. Cela peut-il poser un souci ? Est-ce quelque chose dont vous parlez ?
Bien sûr que nous en parlons ! Mais cela reste quelque chose de personnel. Cela ne doit surtout pas affecter nos relations sur la piste. Que l’un ou l’autre gagne plus d’argent avec un sponsor, ça n’a pas d’importance. Nous nous rendons compte de la chance que nous avons. Nous gagnons bien notre vie en pratiquant notre passion et nos familles sont en bonne santé, ce qui est le plus important pour moi. Le reste…
« Je ne quitte plus ma casquette »
En parlant de sponsor, on vous voit toujours jouer avec une casquette depuis que vous êtes sponsorisé par Red Bull…
Oui, depuis l'année dernière ! Je n'avais jamais joué avec une casquette avant mais je m'y suis habitué. Le plus drôle, c’est qu’aujourd'hui, je ne peux plus m’en passer. Je m'entraîne même avec ! Et comme cela me réussit plutôt bien, je ne la quitte plus !
Comment choisit-on son binôme ?
On appelle la personne avec laquelle on veut jouer et on lui propose, c’est aussi facile que cela (rires) !
Et donc, pour vous, qui a appelé qui ?
C’est moi, fin 2019. Je lui ai dit : « Je pense que nos partenaires respectifs vont s'associer (NDLR : Paquito Navarro et Pablo Lima). Est-ce que ça te dit d’entamer une nouvelle aventure avec moi ? » Je voyais que nous avions des styles de jeu complémentaires et que nous pouvions nous apporter mutuellement de nouvelles compétences. Et ça fonctionne plutôt bien. Après, tout dépend de ce qu’on attend de son partenaire, de la situation, du contexte. Si l’on cherche à obtenir les meilleurs résultats dès les premiers matchs et que cela ne vient pas, on peut être frustré et chercher un nouveau partenaire… Je ne pense pas que ce soit la meilleure solution. Il faut continuer à s’entraîner, s’accrocher. Seul le travail permet d’atteindre les objectifs.
Vous êtes finalement presque un petit couple. Est-ce difficile de gérer le caractère de son partenaire ?
Oui, bien sûr. Moi par exemple, j’ai beaucoup de points à améliorer ! Je pense que cette année, j’ai réussi à garder mes objectifs en tête et ça, je sais que ça plaît à Alejandro. Ça se voit d’ailleurs, enfin je l’espère (rires). Ce sont des choses primordiales sur lesquelles nous travaillons avec nos psychologues respectifs.
« Quoi que je fasse, je veux me lever tous les jours avec le même bonheur qu’aujourd’hui »
Quand vous vous entraînez tous les deux, vous devez faire souvent des diagonales. Qui gagne en général ?
Je ne préfère pas parler de notre intimité (rires) ! On va dire que généralement, il gagne de son côté et moi du mien…
Le padel, c’est aussi des relations avec les autres joueurs, que vous croisez chaque semaine ou presque. Quels sont ceux avec lesquels vous vous entendez le mieux ?
Paquito Navarro, avec qui j'ai une excellente relation. Je m'entends aussi très bien avec Federico Chingotto, Agustín Tapia. Mais globalement, on s'entend tous très bien. Il y a vraiment de très bonnes personnes en plus de très bons joueurs de padel !
Votre famille est très présente à vos côtés sur les tournois. Jouez-vous de temps en temps avec votre frère ?
Il ne sait même pas tenir une pala (rires) ! Lui, il joue au football.
On vous compare parfois au basketteur Lebron James. Même nom, même style de jeu. Pensez-vous sauter aussi haut que lui ?
Même pas en rêve (rires) ! Mon préparateur physique me dit souvent que j'ai une très bonne détente, mais en match, je ne crois pas l'utiliser tant que ça.
« Le padel est un sport qui marquera l’histoire »
Non, pas encore. Mais quoi que je fasse, je veux me lever tous les jours avec le même bonheur qu’aujourd’hui. Je garderai tous les souvenirs de tout ce que j’ai vécu et je continuerai à travailler sur mes projets avec la même envie que maintenant.
Ça nous émerveille tous. Ce circuit est incroyable, il a quelque chose de différent. J’apprécie énormément le travail fourni par les organisateurs. Je tiens à remercier la FIP, Premier Padel ainsi que toutes les personnes qui œuvrent pour que ces tournois voient le jour. Un grand merci aussi aux journalistes qui nous suivent et qui permettent de rendre le padel accessible, dans une ambiance saine.
Après avoir débuté à gauche, Juan a décidé en 2019 de changer de côté pour pouvoir faire équipe avec l'Andalou Paquito Navarro. Alors que les tâches d'un droitier à droite étaient jusqu'alors réservées à des joueurs au profil plutôt défensif, Lebrón a en quelque sorte révolutionné le jeu avec ses qualités offensives hors norme et son smash décisif. Il n'est d'ailleurs pas rare de le voir venir terminer des points du côté de son partenaire. Impensable il y a encore quelques années…
Juan Lebrón truste la première place du classement mondial depuis le 25 novembre 2019, jour où il est devenu le premier joueur né en Espagne à prendre la première place du classement. Si lui et son coéquipier continuent sur leur lancée, Juan fêtera bientôt ses trois ans à la tête du padel mondial. Un petit exploit dans un sport qui était jusqu'à présent dominé par les Argentins. Comme un symbole, l'Espagne emmenée par Lebrón et Galán est devenue championne du monde l'an passé, après plus d'une décennie de disette.
Les Espagnols de 26 et 28 ans forment une association aux qualités jamais vues dans l'histoire de padel. Avec respectivement 1,86 et 1,84 m sous la toise, Ale et Juan sont grands pour des joueurs de padel. Grâce à leurs qualités physiques hors du commun et leur couverture de terrain exceptionnelle, les joueurs de Mariano Amat produisent un padel total, qui laisse très souvent leurs adversaires sans solution. Ensemble depuis 2020, ils forment aujourd'hui la paire la plus ancienne du padel mondial depuis la séparation de Chingotto et Tello.
Avec 365 000 abonnés sur Instagram, Juan est le deuxième joueur de padel professionnel le plus suivi sur ce réseau social, derrière son ancien partenaire et ami Paquito Navarro. Grâce à sa popularité, « El Lobo » est l'égérie de marques internationales, comme Babolat, Red Bull ou encore Playstation. Récemment, il a même fait l'objet d'un documentaire diffusé sur Amazon Prime !
Quand on demande à Juan son coup favori, celui-ci déclare sans hésitation « la volée de revers ». Il aurait pu ajouter le smash de revers ! Le « par 3 », tant apprécié des « aficionados », consiste à faire passer la balle au-dessus de la grille de trois mètres après un rebond sur la vitre du fond. Le numéro un mondial, lui, n'en est plus à ce stade puisqu'il a validé une étape bien au-dessus : celle de réaliser ce coup en revers ! « El Lobo » est doté d'une telle mobilité d'épaule et d'un tel talent qu'il est capable d'effectuer des « par 3 » en revers ! Un coup totalement fou que vous pouvez apprécier en vidéo !